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Photo du rédacteurMarie-Josée Riendeau

Marie XXVI

Dernière mise à jour : 9 mai

Pascal




Le jeudi matin suivant, Marie était en avance pour son rendez-vous avec Martine. Ce n’était pas qu’elle avait hâte à sa rencontre avec la travailleuse sociale mais, comme sa mère ignorait tout de ses nouveaux engagements, elle devait quitter la maison à la même heure que d’habitude.

 

Il n’était donc que 7h55 lorsqu’elle arriva devant la porte close du bureau de Marguerite, alors que son rendez-vous était à 8h15. Même le corridor était resté dans la noirceur en l’absence de Christine qui, elle non plus, n’était pas encore arrivée.

 

Marie s’assit à même le sol de tuiles chamoisées tachetées grises et s’appuya contre le mur. Elle était fatiguée, ses deux dernières nuits d’insomnie commençaient à se faire ressentir. Elle ferma les yeux. 

 

Derrière ses paupières baissées apparaissait le sourire de Patrick, celui qu’il avait fait lorsqu’elle était passée devant lui. Était-ce une grimace menaçante, une moue concupiscente ou simplement le sourire d’un jeune en permission? Elle n’en était pas certaine mais, quoiqu’il en soit, cet affreux rictus la hantait depuis. Son retour précoce au bercail, s’il était une merveilleuse chose pour lui, pour Marie, il en était tout autrement car il venait de déclencher plusieurs semaines de torture. C’était déjà commencé d’ailleurs puisqu’à la simple pensée de ce qui allait se passer, la peur lui tenaillait le ventre et elle avait l’impression que sa cage thoracique se rétrécissait.


  • Bonjour Marie! Dit Christine en enlevant les écouteurs de son Walkman. Est-ce que ça fait longtemps que tu es arrivée?

 

Marie sortit de sa torpeur en sursautant.


  • Désolée je ne voulais pas te faire peur. Ça va?

  • Oui oui, répondit-elle en se levant rapidement. Oui merci, et vous? Toi? Se reprit-elle.

  • Un peu en retard mais oui, je vais bien. Peux-tu tenir ça pendant que j’ouvre? Demanda-t-elle en lui mettant son baladeur dans les mains sans attendre de réponse.

 

Marie accueillit précautionneusement l’appareil rouge et argent dans ses mains. Elle n’en avait jamais vu d’aussi près et elle ne pouvait retirer ses yeux de l’objet rutilant. Elle n’osa pas trop le manipuler de peur de l’échapper ou de l’abimer. Sa mère n’arrêtait pas de lui dire à quel point elle était maladroite. Alors elle se contenta de regarder le bel objet déposé dans ses mains, émerveillée.


  • Il est beau non?

  • Oh oui! 

  • C’est un Sony, un des meilleurs! Je l’ai eu pour mon anniversaire. C’est mon chum qui me l’a donné. En as-tu un toi aussi?

  • Mais non! Répondit-elle sur le ton de l’évidence. 

  • Oh et tu aimes la musique?

  • Oui mais ma mère n’a pas ce genre de moyen.

  • Oui, je comprends. En as-tu déjà utilisé un?

  • Non.

  • Veux-tu essayé? Bon, tu n’aimeras peut-être pas mon choix musical mais, en attendant Marguerite ça pourrait faire passer le temps, qu’en dis-tu?

  • Heu, je ne sais pas… Je ne voudrais pas le briser.

  • Ben voyons! Pourquoi tu le briserais?

  • Je pourrais le faire tomber ou, je ne sais pas..

  • Mais non! Assieds-toi là.

 

Elle lui indiqua un fauteuil placé dans le coin de la pièce où Marie s’installa. Une fois qu’elle fut assise, Christine posa délicatement les écouteurs sur les oreilles de la jeune fille et pesa sur Play.

 

La musique se mit à jouer dans ses oreilles. Christine lui parlait mais Marie n'entendait plus rien que les notes et le rythme. Il n’y avait plus que des lèvres qui bougeaient sur le visage souriant de Christine et la musique de Fleetwood Mac. Christine semblait lui demander quelque chose mais elle n'entendait que la musique et, pour rien au monde, elle n’aurait retiré les écouteurs pour l’entendre. Elle se contenta de lui sourire en retour et de lui montrer un pouce en l’air. Christine lui répondit du même geste et prit place derrière son bureau.

 

Peu de temps après, Marguerite arriva et salua sa secrétaire sans toutefois entrer dans son bureau si bien que Marie, la tête et les pieds se balançant au son de la musique ne s’en aperçut pas. Mais quelques minutes plus tard, Christine posa sa main sur son épaule et lui fit signe qu’il était temps d’y aller. 

 

Avec regret, Marie rendit le précieux appareil à sa propriétaire et reprit son sac.


  • Si tu veux, tu peux laisser tes choses ici. Tu n’auras qu’à les reprendre après.

  • Bof, répondit Marie, ça va.

 

Puis, la tête basse et en soupirant, elle se rendit à son rendez-vous.

 

Cette fois, la porte était ouverte lorsqu’elle arriva devant le bureau de la travailleuse sociale et cette dernière lui fit immédiatement signe d’entrer. Marie referma la porte derrière elle et prit place dans l’une des deux chaises en bois placées devant l’immense bureau de Marguerite. C’était les mêmes que ceux de ses professeurs et, en s’y asseyant, elle comprit pourquoi la plupart d’entre eux préféraient enseigner debout. Le bois vernis était aussi moelleux et accueillant pour le fessier qu’un bloc de parpaing.


  • Oui, je sais dit Marguerite en voyant l’expression d’inconfort de la jeune fille. Elles trainaient dans un local de réunion et personne n’en voulait, alors je les ai prises. Je me suis dit qu’elles étaient quand même mieux que les vieux fauteuils défoncés que j’avais. Mais peut-être pas , après tout.

  • J’arrive à m’asseoir au fond sans avoir les pieds en l’air alors ça va.

  • C’est déjà ça! dit Marguerite en riant. Donc c’est mieux mais ce n’est pas encore tout à fait ça?

  • Ça dépend si vous voulez faire fuir votre clientèle… ajouta-t-elle moqueuse. Puis, se ravisant. Oh! Excusez-moi, je ne voulais pas être impolie.

  • La seule raison pour laquelle je te demanderai éventuellement de t’excuser, c’est si tu continues à me vouvoyer. Lui répondit-elle l’air faussement contrarié.

 

Marguerite fit une pause et enchaîna


  • Comment ça va aujourd’hui?

  • Ça va bien et vous? Heu toi?

  • Ça va bien merci, mais ce n’était pas une question polie que je te posais. Comment ça va, pour vrai?

 

Marguerite la regardait comme si elle pouvait lire dans ses yeux, comme si mentir ne servirait à rien parce qu’elle le verrait immédiatement dans ses pupilles ou comme s’ils allaient changer de couleur à la moindre fausse information. 


  • Je vais mieux, dit enfin Marie.

 

Marie était capable de l’affirmer avec sincérité parce que c’était un demi-mensonge. C’était vrai qu’au moment même où la question était posée, elle allait mieux. Marguerite prit du recul sur le dossier de son fauteuil et la regarda intensément, l’air songeur.


  • D’accord. Alors qu’est-ce qui va mieux?

 

Marie réfléchit. Que voulait-elle entendre? Comment éviter la question sans en avoir l’air?


  • Pleurer m’a fait beaucoup de bien l’autre jour.

  • Ça faisait longtemps que tu n'avais pas pleuré?

  • Oui et non. Depuis le décès de ma petite sœur, ma mère pleure beaucoup et je ne veux pas en rajouter, alors j’essaie de ne pas le faire devant elle. Mais parfois le soir, dans mon lit, je me permets de le faire, en silence, pour qu’elle ne m’entende pas.

 

Encore une fois, ce n’était pas tout à fait faux et donc, la vérité, la vraie vérité, elle, passait sous le radar de Marguerite. Du moins, le pensait-elle.

 

À la fin de leur rencontre, Marie avait ainsi répondu à toutes les questions sans jamais entrer dans son jardin secret. Sa travailleuse sociale savait dorénavant que ses parents étaient séparés, que sa petite sœur était morte à la naissance, que son frère était parti de la maison et que la relation avec sa mère était difficile. C’était déjà beaucoup, presque trop, se disait Marie en sortant de son bureau.

 

Elle allait refermer la porte derrière elle quand Marguerite lui dit.


  • Passe voir Christine et dis-lui de bloquer les jeudis matin à mon agenda. Pour le moment, j’aimerais qu’on continue de se voir deux fois par semaine.

  • D’accord répondit-elle résignée.


Le lendemain, Marie était en route pour la chorale. Comme à son habitude, elle s’arrêta chez Anne afin qu’elles s’y rendent ensemble. C’est sa mère qui ouvrit la porte.


  • Oh! Bonjour Marie! Je suis désolée mais Anne est déjà partie!

  • Ah bon?

  • Oui, mais tu l’as manquée de peu, peut-être même qu’en pressant le pas, tu pourras la rattraper?

 

Marie remercia Madame Trudel et s’empressa de reprendre son chemin mais cette fois, au pas de course. Quand elle arriva à destination, elle avait le souffle court et la sueur qui perlait légèrement sur son front mais elle n’avait pas croisé son amie. 

 

En entrant dans la salle de répétition, elle jeta un regard à la ronde afin de la retrouver mais, elle n’y était pas. Elle décida d’aller voir dans la musicothèque, l’endroit où ils rangeaient les partitions, mais elle n’y était pas non plus. 

 

Elle s’apprêtait à sortir de la pièce lorsqu’elle se retrouva face à face avec Pascal, le petit nouveau que toutes les filles trouvaient si mignon. 


  • Salut! Marie c’est ça?

  • Oui c’est ça. Salut! Pascal? C’est ça?

  • Oui, dit-il avec un petit rire nerveux. Guy m’envoie chercher une partition mais je ne me souviens plus laquelle. J’ai un blanc tout à coup.

  • Voyons voir… Tu sais de quel compositeur?

  • Heuuu…

  • Schubert? Hayden? Handel? Mozart? Bach? Puccini?

  • Non, Bach!!

  • Bon c’est déjà une première piste.

  • Il m’a dit "prend une copie pour toi", c’est pour la messe de demain.

  • Ah! L’hymne à la joie sans doute. Cantate 147, juste ici.

  • Oh merci!

  • Tu chantes la messe toi aussi?

  • Parfois! Répondit Marie d’un ton désinvolte. Viens, la répétition va commencer.

 

Ils arrivèrent juste à temps, Henriette assise au piano commençait les gammes. Marie cherchait Anne du regard et la trouva assise entre Johanne et Nathalie, elle ne lui avait pas gardé de place à ses côtés, comme elle le faisait habituellement. Elle ne la regardait pas et elle semblait très absorbée par son cartable devant elle. Marie s'installa en bout de rangée, perplexe. Elles ne s’étaient pas revues depuis leur dégustation de crème glacée.


  • Mais quelle mouche l’a piquée? se demanda Marie en commençant ses vocalises.

 

A la pause, Marie alla retrouver Anne qui était restée auprès des deux autres jeunes filles. Elles papotaient de tout et de rien et Marie se joignit à la conversation malgré l’accueil glacial de son amie.  

 

La pause fut vite terminée sans que Marie ait eu la chance de demander à Anne la raison de son apparente mauvaise humeur.

 

La répétition prit fin et Marie s’apprêtait à rejoindre son amie pour aborder le sujet avec elle quand elle sentit quelqu’un l’arrêter.


  • Marie! Attend-s’il te plaît!

 

Marie se retourna et salua Marie-Claude qui venait vers elle.


  • T’as deux minutes?

  • Oui oui, dit-elle en regardant Anne lui filer entre les doigts. 

  • Écoutes, je sais que je m’y prends bien en avance mais je me dis que ça te donnera le temps de te préparer si tu acceptes. Tu auras 14 ans cet été? C’est bien ça?

  • Oui? Répondit- elle intriguée.

  • Donc en septembre, tu seras dans le groupe « adulte ». 

  • Ah bon?

  • Oui, à partir de cet âge, tu vas rester pour la fin de la répétition, tu vas changer d’uniforme pour les concerts. Tu ne vas pas rester en culottes courtes toute ta vie non?

  • Non, dit-elle en riant.

  • Bon. Et bien voilà, personne n’est au courant encore mais nous avons démarré un chœur de chambre.

 

Marie la regarda d’ un air interloqué.


  • C’est un chœur composé de chanteurs plus expérimentés, qui sont choisis en fonction de ce qu'ils amèneront au groupe. 

  • D’accord?

  • J’aimerais bien que tu en fasses partie.

  • Moi?

  • Oui! Toi. Bon pas tout de suite. Dans un ou deux ans.

  • Ah! D’accord, dit-elle à demi soulagée à demi déçue.

  • Ne fais pas cette tête! Si je t’en parle aujourd’hui, c’est qu’il faudrait que tu t’y prépare.

  • Comment?

  • En prenant des cours. Ton solfège n’est pas tout à fait au point, il faudrait que ta lecture soit plus avancée et j’aimerais aussi que tu travailles ta voix.

  • Qu’est-ce qu’elle a ma voix?

  • Disons qu’elle pourrait prendre un peu de… Comment dire? De maturité ?

 

Elle ne répondit rien et sembla même un peu vexée.


  • Ne le prends pas mal, c’est normal. La chorale est faite pour que ta voix se mêle à celle des autres. Ça ne t’a donc pas permis de développer ta propre voix. Écoutes, penses-y. Et bon, comme je t’en ai déjà parlé et que tu ne m’as jamais donné ta réponse, si tu préfères prendre des cours avec quelqu’un d’autre c’est tout à fait correct tu sais! Je pourrais même te suggérer quelqu’un.

  • Mais non!!! Si je ne t’ai pas donné de réponse c’est que… c’est…

  • Tu n’as pas besoin de m’expliquer mon petit chat,  lui dit-elle en posant son index sur les lèvres de Marie.

 

Marie se sentit rougir au contact des doigts fins de Marie-Claude sur sa bouche mais elle se ressaisit en pensant à Anne qu’elle voulait rattraper.


  • Non, j’aimerais mieux que ce soit avec toi, je vais demander à ma mère.

 

Quelques instants plus tard, elle se retrouva dehors, l’esprit en ébullition. Elle pensait bien que sa mère, avec ses nouvelles dispositions, ne s’objecterait pas à ce qu’elle prenne des cours de chant, mais elle savait bien qu’elle n’en avait toujours pas les moyens. Surtout depuis le départ de son père. 

 

Marie avait commencé à garder des enfants ici et là, surtout pour dépanner sa sœur lorsqu’elle avait trop de demandes ou si elle avait besoin de sa soirée.  Mais il lui faudrait plus que ça si elle voulait payer ses cours.


  • J’en parlerai à Rachel ce soir, dit-elle en pensant à voix haute.

  • Et tu vas lui dire quoi à Rachel?

 

Marie sursauta si fort qu’elle faillit trébucher .


  • Oh je suis désolé, je ne voulais pas te faire peur comme ça! S'empressa de dire Pascal.

  • J’étais perdue dans mes pensées…

  • Oui j'ai bien vu ça! Ça te dérange si je marche un bout avec toi?

  • Non non, ça va, répondit elle à contrecœur ayant préféré continuer à réfléchir.

  • Alors tu es en secondaire deux?

  • Oui, comment le sais-tu?

  • Ton casier est au deuxième étage près du local de Madame Cloutier.

  • Tu vas à la même école que moi?

  • Oui, répondit Pascal en riant.

  • Mais comment ça se fait que je ne t’ai jamais vu?

  • Parce que je suis en secondaire 5 et que mes cours sont tous au 3ième?

  • Oh! Mais toi tu m’as vu?

  • Oui, j’étais dans la salle quand tu as fait l’audition pour le spectacle de fin d’année.

  • Vraiment? Demanda Marie se sentant tout à coup gênée.

  • Oui je fais partie du comité de la fête de fin d’année, du comité du bal de promo, du comité du journal et aussi du club d’athlétisme.

  • Wow! Te reste t’il du temps pour t’amuser?

  • Mais tout ça m’amuse beaucoup!

  • Et pour tes leçons? Tes tâches ménagères?

  • Mes quoi?

  • Tes corvées?

  • Oh! On a une femme de ménage. Alors c’est bon!

 

Marie s’arrêta devant chez elle.


  • Bon, c'est ici.

  • Super! Je te souhaite une bonne nuit alors. On se voit demain à la messe?

  • Je ne sais pas, peut-être.

  • Alors peut-être à demain!

  • Oui à, peut-être, demain.

 

Ce soir-là, quand Marie alla au lit, son esprit bourdonnait d’images, de sensations et de questionnement.

 

Elle était fière d’avoir été choisie pour faire partie du chœur de chambre, fière que l’on croit qu’elle avait assez de talent. Mais cela soulevait aussi une question importante, comment allait-elle trouver les sous pour les cours?

 

Et puis, Pascal! Qu’est-ce qu’il lui voulait? Rêvait-elle? Ne lui avait-il pas fait un numéro de charme ce soir? Non… sûrement pas. Il avait été gentil c’est tout. Un garçon bien élevé qui reconduit une jeune fille après la nuit tombée. Il ne fallait pas en faire tout un plat! Et puis les doigts fin de Marie-Claude…

 

Et Anne… Pourquoi?

 

Elle s’endormit sur cette dernière question.

 

Le lendemain matin, Marie se leva plus tard qu’à l’accoutumée donc, aussitôt le petit déjeuner avalé, elle se dépêcha à accomplir ses corvées pour être libre le reste de la journée. Elle croisait les doigts pour que sa mère n’ait pas à lui demander d’aller faire les courses avec elle ou qu’elle ajoute une nouvelle tâche à sa liste. Heureusement il n’en fut rien mais, justement au moment où elle s’apprêtait à demander à Diane si elle pouvait aller chanter à la messe, le téléphone se fit entendre. C’était pour Rachel, c’était la maman de Zacharie qui avait besoin d’elle le soir même pour garder le petit.


  • Oh non, malheureusement, je ne suis pas disponible ce soir, j’ai d’autres engagements… Oui je comprends… Je suis vraiment désolée…

 

Et elle raccrocha.


  • Tu vas garder ailleurs ce soir? Demanda Diane à son aînée.

  • Non, répondit Rachel gênée, sachant que sa mère n’apprécierait pas sa décision.

  • Alors pourquoi as-tu dit que tu n’étais pas disponible?

  • Parce que j’ai promis à mon ami de l’accompagner à une fête.

  • Ton ami E ou ton ami I?  Demanda Diane, suspicieuse.

 

Rachel regarda le sol…


  • Ami I… qu’est-ce que ça change?

  • Rachel! Tu ne dois pas manquer à tes engagements juste à cause d’un garçon! Des garçons il y en aura plein et tout le temps mais des opportunités de faire des sous non. Et puis à force de se faire dire non les parents ne rappelleront plus!

  • Elle avait qu’à appeler avant? Tu ne trouves pas qu’elle est à la dernière minute?

 

Marie assistait à la session argumentaire qui, elle le sentait, allait bientôt tourner en engueulade salée. Elle hésita un moment puis, sachant qu’elle avait besoin d’argent…


  • Moi je pourrais y aller! En plus Zacharie me connaît, il est venu jouer avec le petit Bastien quand je le gardais l’autre jour.

 

Tout à coup se fut le silence. Puis, après un court moment.


  • Oh! S’il te plaît maman dit oui! Supplia Rachel profitant de l’opportunité que sa jeune sœur lui offrait d’apaiser leur mère.

 

Diane resta muette pendant plusieurs minutes, visiblement en réflexion, ses deux filles la fixant, expectatives.


  • Très bien. Rachel, appelle la mère de Zacharie et, si elle est d’accord, ça va. 

  • Oh merci merci maman chérie!

  • Laisse les « maman chérie » s’il te plaît! Commence par appeler, on parlera de ta soirée après.

 

Rachel ne perdit pas une minute et saisit le téléphone et quelques instants plus tard, tout était réglé. Marie devait être là-bas pour 18:00.

 

Marie regretta soudainement de s’être proposée. Elle aurait bien aimé aller chanter la messe… En fait, elle aurait aimé revoir Pascal. Son attitude de la veille avait piqué sa curiosité, tant pis, parfois, il fallait faire des sacrifices. 


  • Après tout, se disait-elle, il y aura d'autres messes et donc, d’autres occasions de le revoir. En plus ce n’est qu’un garçon comme les autres après tout! alors que là, j’ai l’opportunité de démarrer ma carrière de baby sitter.  Se moqua-t-elle en souriant.

 

La soirée se passa bien, Zacharie était un enfant calme et attachant. Elle réchauffa le repas, il prit son bain et Marie lui fit la lecture pour qu’il s’endorme gentiment, bien au chaud sous sa doudou. Elle s’assoupit à son tour sur le canapé et se réveilla en sursaut lorsque le couple arriva vers 23h30. Le père du garçonnet la ramena chez elle, lui versa la somme de 11.00$, la remercia et ajouta qu’elle pouvait revenir garder encore si jamais Rachel n’était pas disponible.

 

Le lendemain matin, Marie se leva tôt malgré l’heure à laquelle elle s’était endormie.


  • Tu es bien matinale Marie? Tu es pourtant rentrée tard hier.

  • Oui je sais. Mais je n’arrive plus à dormir.

  • Tu as l’air soucieuse, il y a quelque chose qui te tracasse?

  • Et bien… Commença-t-elle à répondre, hésitante. Et bien il y a Marie-Claude à la chorale qui…

  • C’est qui Marie-Claude?

  • C’est une de nos coachs. Donc Marie-Claude aimerait me donner des cours de chant…

  • Pourquoi elle trouve que tu n’es pas assez bonne pour la chorale?

  • Non, ce n’est pas ça… Marie, voyant que sa mère commençait à s'énerver, cherchait les bons mots. Non, en fait, il y a ce chœur de chant dont elle aimerait que je fasse partie mais il faudrait que mon solfège et ma pose de voix soient meilleurs pour que j’y entre.

  • Et ça te donnera quoi de faire partie de ce chœur de chambre dis-moi? Si tant est que j’aies les moyens de te payer des cours de chant!

  • Je ne te demandais pas de les payer maman, je sais bien que tu y arrives à peine.  Mais je vais commencer à garder et je pourrais passer les journaux? Je vais avoir 14 ans bientôt. Sinon, je pourrais trouver autre chose, je ne sais pas, aider des personnes âgées? Offrir mon aide pour faire le ménage?

  • Tu arrives à peine à faire le tien de ménage Marie! Coupa Diane avec ironie. De toute façon, c’est une perte de temps tu le sais bien. Pas de chercher à gagner des sous! Mais cette lubie de chanter. Je te laisse faire depuis des années parce que c’est bien pour les enfants d’avoir des activités en dehors de l’école. Ton frère a été chez les scouts, ta sœur a fait de la natation et toi c’était la chorale. Mais c’est tout! C’est un passe-temps, rien de plus. Tu n’as pas la voix pour faire carrière! A moins que tu ne fasses comme d’autres et que tu utilises ton corps pour y arriver…

 

Marie qui sentait une boule de rage se nouer dans sa gorge, regardait sa mère fixement.


  • Ne me regarde pas comme ça! Tu sais très bien que j’ai raison. Bien sûr, tu chantes juste. Oui! Tu as peut-être une jolie voix, mais c’est tout! Tu ne seras jamais une Ginette Reno!

  • Qu’est-ce que tu en sais? Cracha Marie, tu n’es même jamais venue me voir en concert!

  • Je n’en ai pas besoin! J’ai assez de t’entendre ici! Rétorqua Diane violemment. 



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