I love NY
Marie ne retourna plus à la cabane.
Quelques jour plus tard, quand Patrick était venu la chercher, Marie avait prétexté que sa mère l’avait interdite de sortie et il était parti seul rejoindre Joseph. Il était revenu à 2 autres reprises et, à chaque fois Marie avait trouvé une nouvelle excuse pour ne pas le suivre. Étonnamment, il n’ avait pas insisté, ni n’avait tenté de la faire chanter. Il avait simplement accepté ses refus, la tête basse. Sans doute avait-il compris qu’elle avait besoin de temps pour oublier ce qui s’était passé.
Marie, bien qu’elle tenta de cacher son mal, était taciturne et renfermée. Elle se traînait les pieds, l’âme en peine.
Mais qu’est-ce que t’as à lambiner comme ça? On dirait que tu as perdu un pain de ta fournée? Demanda Diane, agacée.
J'ai rien… Répondit Marie en soupirant.
Bien voyons Marie! Arrête de faire des cachettes. Si tu veux pas me le dire, arranges-toi donc pour que je ne m'en rende pas compte!
Marie était tiraillée entre le besoin de s’ouvrir à quelqu’un afin de déballer son sac et la honte d’avouer ce qu’elle avait fait.
C’est qu’il n’y a personne pour jouer avec moi aujourd’hui, menti-t'elle.
Franchement, c'est juste ça!? Va au parc, va voir dans la ruelle! C’est clair qu’il n’y aura personne si tu reste à la maison alors sors! De toute façon, j’ai des choses à faire et je ne veux pas te voir rôder autour. Lança Diane, d'un ton exaspéré et autoritaire.
Elle se retrouva donc errante dans les rues du quartier. Instinctivement, elle se dirigea dans la direction opposée au chemin de fer et prit la rue de son école. Au bout de quelques rues, elle se retrouva devant la maison de son amie Sophie. Elle décida de sonner à la porte mais sa mère lui annonça qu’elle était chez sa grand-mère pour le week-end.
Alors elle eût l’idée d’aller chez Anne. Elle fit demi tour et se dirigea en direction de la maison des Trudel. Anne vint ouvrir.
Allo! Mais qu’est-ce que tu fais là? Répondit-elle embarrassée.
Je passais dans le coin. Je me demandais si tu avais envie de jouer avec moi?
Oh, j’aurais vraiment aimé ça mais je ne peux pas. On est samedi et tu le sais, j’ai mon cours de piano.
Mais c’est pas plus tard dans la journée?
Heu, habituellement oui, mais cette semaine ma prof a devancé notre rendez-vous.
Ah, bon, ok. Bonne journée alors…
Oui, à toi aussi! On se voit vendredi prochain pour la chorale hein? Tu viens me chercher pour qu’on marche ensemble?
Oui oui.
Marie reprit son chemin un peu déçue. Elle aurait aimé avoir de la compagnie. Elle aurait aimé pouvoir penser à autre chose, mais il semblait que Dieu en avait décidé autrement. Que Lui avait-elle fait d'ailleurs pour mériter ce qui lui arrivait? Oh elle savait bien que dans Sa grande bonté Il ne punissait pas, qu’Il n’était qu’Amour et pardon. Mais alors, pourquoi?
En plus, demain c’est mon anniversaire… Dit-elle à voix haute, sans s’en rendre compte.
Elle se balada sans but jusqu’à 16h00, heure à laquelle elle décréta qu'elle s’était éclipsée suffisamment longtemps de la vue de sa mère pour pouvoir, enfin, rentrer à la maison.
Lasse d’avoir trop pensé et trop marché elle ouvrit la porte de l’entrée, il y avait une odeur de maïs et de frite dans l’air. Elle avança jusqu’au salon et, à peine fût elle entrée…
SURPRISE!!! Bonne fête!!
Devant elle, André, Diane, Rachel, Sylvain, Sophie et Anne était là qui l’attendaient pour célébrer son anniversaire.
Dieu, après tout, l'aimait quand même un peu.
La semaine suivante, Diane ses deux filles allèrent faire les magasins afin de trouver des vêtements appropriés pour la rentrée scolaire qui arrivait à grand pas. Marie détestait le magasinage. C’était toujours la même chose, sa mère insistait pour acheter des vêtements que ni l’une, ni l’autre voulaient et, immanquablement, cela se terminait en engeulade.
Le mardi, quand le réveil sonna, Marie se réveilla d’un coup, fébrile. c’était toujours comme ça quand l’école reprenait. Marie regarda sa sœur qui dormait profondément et l’envia un peu. Rachel allait commencer l’école secondaire et sa rentrée à elle n’était que le lendemain, Marie avait hâte de changer d’école elle aussi. En fait, elle avait hâte que cette période de de l’enfance soit derrière et ce, même si l’avenir l’effrayait atrocement. Diane lui répétait sans cesse à quel point elle ne servait à rien tellement elle était maladroite et étourdie.
Je ne sais vraiment pas qu’est-ce que tu deviendras plus tard, tu es tellement mal habile, une vraie catastrophe ambulante. Lui avait-elle dit un jour.
Sur cette pensée sinistre, Marie décida de se lever et de commencer à se préparer. Découragée tant par son état d’esprit que par la vue de ses nouveaux habits accrochés à la poignée de son garde-robes, elle soupira et examina de plus près ce qu’elle allait devoir porter. D’abord il y avait la jupe, une jupe montée sur une taille élastique en tissu de coton ligné et fleuri, dans les teintes de blanc, gris et rose. Puis, il y avait la blouse assortie, elle aussi faite du même imprimé de lignes et de fleurs mais surmontée, elle, d’un col blanc, très large avec une bordure en dentelle. Elle ne pouvait s'empêcher de regarder ce motif avec une impression de déjà-vu. Elle regarda alors sa literie ainsi que les rideaux de sa chambre et constata avec dégoût que, bien que dans d’autres teintes, c’était exactement le même design que ses nouveaux vêtements. Soudain, elle regretta amèrement de ne pas avoir tenu tête à sa mère dans la boutique, contrairement à sa grande sœur qui avait fini par avoir gain de cause quant au choix de sa tenue vestimentaire. Non sans s’être débattue vertement avec Diane en plein magasin pendant un temps interminable. Elle, de son côté, avait plutôt opté pour la paix et aussi, peut-être avec un peu de chance, pour les bonnes grâce de sa mère qui verrait à quel point elle était raisonnable.
Marie, ravalant l’envie de mettre son jeans préféré, son T-Shirt I love NY et ses addidas Gazelle, enfila le déguisement de poupée de porcelaine que Diane avait choisi. Elle se regarda dans le miroir et après avoir essayé, en vain, de se convaincre que ce n’était pas si moche, alla rejoindre sa mère dans la cuisine.
Diane la regarda Marie de la tête au pied, lui fit signe de s’approcher, replaça le col à jabot et ajusta la jupe. Elle admira le produit final, satisfaite. Puis, elle regarda la tête de sa fille et tenta de placer ses mèches rebelles. N’y parvenant pas, elle traîna sa fille jusqu’à la sale de bain ou elle mouilla un peigne fin sous l’eau du robinet et,dans une ultime tentative, aplatie les épis récalcitrants de la tête noire de Marie.
Ayant tout tenté, Diane s’avoua vaincue et, découragée, elle lui dit:
Évidemment, c’était trop espérer que d’imaginer que tu aies l’air de quelque chose pour ta première journée d’école? Au moins ton ensemble est beau.
Marie, a mi chemin entre les larmes et l’envie de déchirer les draperies qu’elle portaient choisi de ne faire ni l’un, ni l’autre et de, tout simplement, ne pas tenir compte de cette dernière remarque et de montrer à sa mère , une fois de plus, qu’à défaut d’être belle et intelligente comme sa sœur, elle, elle était calme, docile et affable.
Plus tard, sur le chemin de l’école, elle s’arrêta au petit snack-bar pour utiliser les toilettes et, quand elle en ressorti, sur sa poitrine, on pouvait lire, I love NY.
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