Patrick
Les mois avaient passé, emportant avec eux la neige et les grands froids. Le printemps apparaissait timidement, offrant de belles journées ensoleillées où il faisait bon aller se balader.
Marie n’avait pas d’amie ce jour-là, il faut dire qu’elle en avait peu en dehors de l’ensemble vocal. Et même là-bas, elle n’en avait que deux ou trois. Elle était différente des autres, elle le savait, les autres le ressentaient et ça devait les effrayer. Alors soit, ils l’ignoraient, soit ils se moquaient. Marie préférait la première option, évidemment.
Avec Diane, beau temps mauvais temps, ami ou pas ami, il n’était pas question de passer une journée à flâner à la maison, même le Vendredi Saint. Après un dîner frugal composé d’un bout de pain et d’un verre de lait, Marie, décida donc d’aller se promener dans les parcs environnants. Marie détestait le carême, surtout aujourd’hui car il fallait attendre au souper avant de manger un vrai repas. Et quel repas! Pour cette occasion, sa mère avait l’habitude de servir de la sauce aux œufs avec des pommes de terre bouillies... Marie avait faim, elle aurait donné sa chemise pour un bon burger bien gras.
Le premier parc qu’elle croisait, avait un bassin de forme à peu près arrondie qui faisait le tour du parc créant ainsi un îlot sur lequel trônait une énorme bâtisse blanche toute en arches.
Dommage que le bassin soit vide. Sinon je t’y aurais poussé encore ma petite poule mouillée. Ha haha
Marie sursauta aux premières syllabes. Bien qu’il soit derrière elle, elle aurait reconnu la voix de Patrick entre mille.
Non je blague, c’est fini ça, je ne le ferai plus, c’est pour les enfants ces jeux à la con. Mais j’ai encore besoin de toi Je veux que tu me retrouves demain après-midi dans la cour d’école.
Demain je ne peux pas, c’est la messe du samedi Saint et je chante à l’église.
Faudra que tu le fasses avant, c’est tout ! Je retourne à l’internat lundi et dimanche c’est Pâques. Tu le sais ce qui va arriver si je n’ai pas ce que je veux…
Il faudra que ce soit plus tôt alors.
Ce sera 11h00 mais c’est vraiment juste parce que je suis gentil.
Et il repartit comme il était venu. Marie le suivit des yeux jusqu’à ce qu'il disparaisse au coin de la rue. C’est alors qu’elle s’effondra et que les larmes vinrent noyer ses yeux. Elle pleurait de colère et de souffrance. Toujours cette menace, toujours cette emprise dont elle ne pouvait se défaire.
À genoux dans la terre à peine dégelée, elle sanglotait maintenant. Pourquoi se demandait-elle, pourquoi?
Il l’avait pris en grippe dès le premier jour lorsqu’ils avaient emménagé il y 4 ans. Déjà à cette période, Marie en avait peur. Un jour, elle avait même entendu quelqu'un raconter qu’il martyrisait les chats errants dans la ruelle mais elle n’était pas certaine qu’il en soit capable.
Mais, depuis l’incident, La situation avait empiré. On aurait dit que sa haine, sa colère, son emprise sur elle, que tout avait décuplé.
Pourquoi en avait-elle parler? Pourquoi avait-il fallu qu’elle le dise à ses parents?
Ce jour-là, à l’âge de 7 ans, elle était rentrée à la maison en pleurant et elle avait raconté à ses parents ce qui venait de se passer. André paraissait hors de lui et Diane, pour toute réponse l’avait punie en l'envoyant dans sa chambre. Depuis, Marie sentait que le regard de sa mère avait changé, qu’elle avait mis encore plus de distance entre elles, il lui semblait que sa mère ne l’aimait plus. Marie l’avait déçue…
Ses pleures s’intensifiaient au fil de ses pensées et ils se prolongeaient maintenant en de lourds sanglots sonores.
Une dame qui passait par là vint voir Marie et s'accroupi devant elle afin d'être à sa hauteur. En posant la main sur son épaule elle lui demanda.
Es-tu perdue ma petite? Où elle est ta maman?
Marie, insultée qu’on la traite comme une gamine, lui répondis tout en la fusillant du regard.
Je n’ai pas 5 ans madame et je sais très bien où j’habite! Mais merci quand même de vous inquiéter pour moi.
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