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Photo du rédacteurMarie-Josée Riendeau

Marie VIII

Dernière mise à jour : 24 mars

Le départ


La cloche de l’école retentit, il était 11:45 et c’était la fin des classes, le début des vacances d’été. Les élèves exaltés vidaient leurs casiers en parlant avec enthousiasme des projets qu’ils avaient et des activités planifiées pour la saison estivale. Les corridors vibraient, tant l’excitation des enfants était grande. Cependant, Marie, elle, restait indifférente car elle savait maintenant qu’il n’y aurait pas de chalet cette année puisque Robert partait pour Rome. Sans lui, la mère de Marie ne voyait pas la nécessité de réunir le groupe. Pour Marie, donc, l’été s’annonçait plutôt lugubre.


Elle prit son sac qui pesait une tonne, le glissa sur son dos avec peine et, après des adieux polis à ses camarades de classe, sortit pour se rendre chez elle. Marie venait de terminer sa quatrième année.


Elle marchait la tête baissée, autant parce qu’elle espérait que cela l’aiderait à porter le poids qu’elle avait sur le dos que parce qu’elle se sentait lasse. Elle regardait les lignes du trottoir, elle les comptait presque, comme si elle savait combien il y en avait pour atteindre sa maison. Puis, elle s’arrêta net. Devant elle des espadrilles, de grandes espadrilles étaient plantées devant les siennes. Elle leva tranquillement le regard et reconnut son frère.

  • Salut petite sœur! Je t’attendais. Il faut que je te parle.

  • D’accord? Tu veux m’aider à porter mon sac jusqu’à la maison?

  • Je vais t’aider un petit bout mais je n’irai pas jusque là-bas. Je ne retournerai plus à la maison. C’est terminé pour moi, j’en ai marre, je m’en vais.

  • Mais tu vas aller où? Tu vas te débrouiller comment?

  • J’ai des amis plus vieux, ils vont m’héberger et m’aider à trouver du boulot.

Malgré qu’elle comprît très bien que Sylvain doive partir, qu’il n’en pouvait plus d’être rabroué tant physiquement que psychologiquement, cela ne l'empêchait pas d'avoir le cœur gros.

  • Hé sœurette, ne pleure pas! Je vais t’appeler et je t’emmènerai manger une frite et un smoked meat chez Lester’s dès que je le pourrai, ok? Et quand je serai installé, je te promets que Rachel et toi viendrez chez moi et je vous ferai des crêpes comme quand je vous gardais.

Il prit sa sœur dans ses bras, la serra fort contre lui. Puis, il ajouta.

  • Je t’aime Marie. Fais attention à toi et ne laisse pas maman te frapper ok?

  • Mais elle n’a jamais frappé que toi?

  • Oui, je sais. Mais maintenant je ne serai plus là alors… Allez, je dois y aller maintenant. Je file.

Il l’embrassa rapidement sur le front et laissa Marie au coin de la rue, encore sous le choc.


Elle entra dans la maison avec son sac presque plus grand qu’elle et le laissa tomber bruyamment sur le sol de l’entrée. D’un pas rapide, elle fit le tour des pièces de l’appartement et, comme elle ne trouvait pas ce qu'elle cherchait, alla jusque dans la chambre de son grand frère. Rien non plus. Il n’avait pas laissé de lettre ni de mot. Il était parti, comme ça, sans rien dire, sans rien dire aux parents.

  • Mais qui va nous garder maintenant? Qui va nous faire à souper en écoutant de la musique rock? Qui va me prendre dans ses bras et me dire que tout va bien aller? Se demandait-elle, désemparée.

Marie s'assit sur le lit de son frère. Sa chambre était bien rangée. Sur le long buffet en contreplaqué transformé en meuble télé, il avait laissé sa table tournante, ses disques, son petit téléviseur en noir et blanc avec des antennes immenses. Il n’avait pris que quelques livres et ses vêtements. C’était tout.

  • Comment va-il se débrouiller? Il n’a que 16 ans… Se désolait-elle en pleurant.

Pour Marie, Sylvain remplaçait depuis longtemps ce père absent qu’était le leur. Dans les tempêtes qui secouaient souvent leurs vies, pendant les engueulades de leurs parents, il restait près de ses sœurs, les rassurant. Il n’avait pas besoin de parler, sa seule présence suffisait à la calmer et à la rassurer. Pour elle, il était le grand protecteur, celui qui semblait tout comprendre sans pourtant tout savoir. Quand il la prenait dans ses bras, Marie n’avait plus peur de rien, elle se sentait protégée et aimée .


Elle sortit de la chambre de son frère et se retrouva nez à nez avec Rachel. Elles n’eurent pas besoin de parler. Clairement, elle était au courant du départ de Sylvain.

  • Tu viens jouer à la Barbie? Demanda Rachel en prenant sa petite sœur par la main.

Elles n’y avaient plus joué depuis longtemps, mais sans doute cela avait-il quelque chose de rassurant. Elles s’installèrent donc dans leur chambre, entourées de très grandes caisses remplies de poupées, de mini vêtements, de mini meubles et accessoires.

  • Bon, moi je vais construire ma maison ici et la table de chevet sera mon deuxième étage. Annonça Rachel qui avait toujours aimé diriger le jeu.

  • Toi tu la feras là. Ajouta t’elle en pointant le lit de sa sœur.

  • Non, je veux t’aider à construire la tienne.

  • Ah non! Tu ne vas recommencer! Pourquoi tu ne veux jamais de maison, jamais de mari et que tu ne veux jamais être riche? On dirait Cendrillon…

Marie ne pouvait pas répondre à Rachel. Elle ne pouvait pas lui expliquer cette certitude qu’elle avait de ne pas mériter ces choses-là. Parce qu’elle ne méritait pas d’être aimée, elle ne méritait pas d’être heureuse et que juste d’y rêver était trop souffrant pour elle.




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