L'homme rose
Les jours, les semaines, les mois avaient passé, et puis finalement, toute une année s’était écoulée. La vie avait repris son cours, le temps avait fait son œuvre et s’il n’avait pas réussi à effacer la blessure de Marie, il l’avait enseveli sous le sable de son sablier permettant ainsi aux plaies de se refermer tranquillement, rendant peu à peu sa douleur moins aiguë.
Marie vaqua à sa vie. Elle faisait ce qu’elle devait faire mais sans vraiment y prendre goût. Comme une automate, elle allait à la chorale, allait à l’école, traînait avec ses amies, mais le plaisir n’y était plus. Elle portait une souffrance en elle, enfouie au creux de son être. Elle l’a portait comme sa mère avait porté la petite aujourd’hui disparue et, le soir venu, Marie pleurait. Cependant, ce n’était plus des larmes de tristesse. Le chagrin avait fait place à la colère et les prières qui autrefois accompagnaient son esprit vers le sommeil firent place à des litanies de reproches envers ce Dieu qui la punissait sans aucune raison. Elle LE détestait, Lui qui, de toute évidence, considérait qu’elle ne méritait pas Son amour ni Ses bienfaits.
Le jour de l’anniversaire de la mort de sa petite sœur, Marie prit de son argent de poche et acheta des fleurs pour sa mère. Elle n’écrivit pas de mot ni de carte. Sans un mot elle les offrit à Diane qui la regarda les yeux dans l’eau. Quelque part, cette tragédie les avait réunies, elles deux qui, jusque-là, ne s’étaient jamais senties s’appartenir.
Et puis sans grande surprise, un peu après Noël, les parents de Marie annoncèrent qu'ils se séparaient. André s’était déniché un petit studio déjà meublé dans le nord de la ville et, presque aussitôt dit, il était parti. Sans larme, sans cri, il était allé vivre ailleurs et Marie savait bien que c’était beaucoup mieux ainsi. et, effectivement, la vie à la maison devint, à partir de ce moment-là, plus douce et surtout, plus calme.
Diane lâchat prise sur la religion, sur la discipline, sur l’éducation, en fait sur presque tout. Elle passait des heures à écrire assise dans son fauteuil au salon ou assise à la table de la cuisine. Elle noircissait des pages et des pages comme si rien d’autre n’avait d’importance, laissant ses filles à elles même, ne leur refusant plus rien.
Quand les inscriptions pour le spectacle de fin d’année arrivèrent, Marie n’eut donc aucune difficulté à obtenir l’autorisation de sa mère et même, pour cette demande encore plus spéciale.
Maman? Tu sais mon amie Catherine? Celle qui fait partie du corps de clairons des cadets? Et bien imagines-toi donc que sa mère est pianiste,
Hmmm…
Elle m’a invité à dormir chez elle vendredi et comme ça, je pourrais pratiquer ma chanson avec le piano. Est-ce que je peux?
Oui oui,,, Ne rentre pas trop tard samedi par contre, tu as quand même tes corvées hebdomadaires.
Oui je sais! Merci maman.
Mais j’y pense! Et ta chorale?
Ha ça va… Pour une fois je n’en mourrai pas et puis, de toute façon, on a déjà fait notre dernier concert de la saison.
Comme tu veux…
Le vendredi suivant Marie prépara son sac et se présenta chez son amie pour le souper. Catherine vint la rejoindre dans le hall d’entrée.
Ah enfin! J’avais hâte que tu arrives! Ma mère a un ami à la maison et ils me font chier tous les deux ensemble.
Ah bon? Pourquoi ça?
Ma mère n’a jamais compris mon intérêt pour les cadets, elle me permet d’y aller uniquement que parce que j’y fait de la musique. Éric lui, tout un numéro tu verras, il est pour la paix dans le monde et il ne comprend pas pourquoi l’armée est nécessaire. Bref, ils ne me lâchent pas d’une semelle. Maintenant que tu es là, on pourra parler d'autre chose.
En arrivant à l’étage , la porte s’ouvrit et la mère de Catherine les accueillit chaleureusement, son verre de vin à la main.
Entre Marie, entre! Tu arrives juste à point. Le festin est prêt qui nous attend. Passons à table!
Merci beaucoup madame.
Oh! Arrête moi les « madame » tout de suite ! Je m’appelle Jacinthe d’accord?
D’accord madame… Jacinthe.
Ah! Ça c’est beaucoup mieux! Non?
Marie se contenta de répondre avec un sourire.
Jacinthe prit le pas en invitant les deux jeunes filles à la suivre. En passant devant la cuisine, elle s’arrêta. Un homme tout de rose vêtu touillait savamment une concoction aux arômes divins.
Marie je te présente mon meilleur ami, le chef Eric, Eric, voici Marie la nouvelle amie de Catherine et aussi, future Ginette Reno à ce qui paraît!
Ah heu non non! Je n’ai pas son talent! S’exclama Marie.
Tut tut tut! Interrompit Éric, Ce n’est pas à toi d’en juger oh jeune Marie. Nous verrons ça plus tard. Pour le moment, il est temps de passer à table et de déguster le, mondialement reconnu, coq au vin de Monsieur Carpentier. Ça c’est moi, ajouta t’il avec un clin d’œil à Marie.
Ça sent vraiment bon! Alors vous êtes chef cuisinier?
Oh Non, non, pas du tout mais ça me passionne. En fait, je suis massothérapeuthe.
Ah! s'exclama-t-elle, camouflant sa déception.
Bon, c’est prêt! Passons à table.
Tout le monde prit place pendant qu’Éric faisait le service. Lorsqu’il déposa le plat fumant devant elle, Marie le regarda longuement avec envie. C’était un pilon de poulet sur un lit de purée lisse et moelleuse à souhait. le tout nappé d'une sauce onctueuse avec, ça et là, des boutons de champignons et des morceaux de carottes. Pour finir, de petites fèves vertes ornaient un coin de l’assiette creuse ce qui répondait bien au petit bouquet de persil déposé à l’autre extrémité. Finalement, l’assiette avait une composition plutôt simple et pourtant, Marie la regardait, comme éblouie.
Ça va Marie? Tu peux manger tu sais? Ce n’est pas fait que pour regarder!
Oui je sais bien. Mais ça sent tellement bon et ça à l’air tellement savoureux. Je veux juste attendre encore un peu.
Marie huma son assiette, elle pouvait clairement identifier l’odeur du vin rouge qui avait réduit, une légère odeur de thym aussi et puis autre chose qu’elle ne pouvait nommer bien qu’elle lui soit familière.
T’es une épicurienne toi hein?
Une quoi?
Une épicurienne, dit Jacinthe, c’est quelqu’un qui recherche les plaisirs des sens, comme les odeurs, les saveurs. Comme présentement, tu savoure avec tes yeux, puis avec ton nez avant de le faire avec tes papilles gustatives.
Et il y a les plaisirs sensuels aussi, le toucher…
Éric, je crois que la jeune demoiselle n’a pas besoin de plus de détail. Sers moi donc du vin au lieu de dire des sottises.
Très bien madame.
Il remplit le verre de Jacinthe, puis le sien et, se tournant vers Catherine offrit de la servir aussi, ce qu’elle accepta sans cérémonie.
Je donne la chance à ma fille d’apprivoiser le vin en lui servant un petit verre de temps à autre. Ajouta Jacinthe rapidement de peur, peut-être, que cela n’ait choqué son invité. Est-ce que ta mère te permet d’en boire aussi?
Marie pensa aux dimanches matins au chalet lorsque Robert célébrait la messe et que, pendant la communion, Marie buvait le vin dans le calice. Il y avait eu aussi c’est quelques fois où son père lui avait versé quelques gouttes de vin pour trinquer avec tout le monde lors de grands événements.
Oui, bien sûr, affirma Marie d’un ton assuré.
Éric lui servit quelques larmes dans un verre, et la regarda avec insistance. Elle compris qu’il attendait qu’elle le goutte.
Elle se demandait quelle attitude elle devait adopter dans une telle circonstance. Rapidement, elle réfléchissait; elle devait bien avoir vu ça à la télé à un moment donné? Se répétait elle nerveusement pendant qu’elle sentait l’attention de ses hôtes tournée vers elle.
Elle se rappela alors du film : L’Aile ou la cuisse avec Louis De Funès dans lequel il essayait de montrer les rudiments de la profession de critique gastronomique à son fils. Elle avait adoré ce film. Mais comment faisait il déjà? Revoyant les images dans sa tête, elle se demanda s’il était absolument nécessaire de faire autant de grimace…
Se décidant enfin, elle prit le verre par le pied et commença par regarder la couleur du vin en le faisant tournoyer délicatement. Elle le respira. En prit une toute petite gorgée et le fit tourner dans sa bouche sous le regard amusé d’Eric.
Alors, il te plaît ? demanda-t-il.
Marie cherchait quelque chose de pertinent à dire sur le vin qu’elle venait de goûter.
Ca se laisse boire, finit elle par bredouiller, confuse.
Jacinthe et Éric pouffèrent d’un rire indulgent devant les propos naïfs de Marie et tous continuèrent à déguster le repas.
Lorsque les deux jeunes filles eurent vidé leurs assiettes, Catherine demanda à sa mère si elles pouvaient être excusées de table. Cette dernière étant en pleine conversation avec son grand ami, lui accorda sans hésitation.
Lorsqu’elle arriva dans sa chambre Catherine se vautra dans son grand lit et soupira bruyamment.
Ah merci mon Dieu!! Merci! Je n’en pouvait plus de les entendre!! Et lui, non mais, il se prend pas pour de la merde!
Tu ne l’aime pas?
Oui oui mais il me tape parfois sur les nerfs.
Je le trouve gentil…
Tu dis ça parce qu’il t’a donné du vin! Avoue! Parlant de vin… regarde ce que je nous ai pris.
Catherine s’étira et sortit une bouteille de vin déjà entamée du dessous de son lit.
On ne se contentera pas que des quelques petites lichettes servies au dîner non?
Mais ta mère? Elle…
Mais non! T’inquiète, elle ne verra rien! Elle en a des tas comme celle-là. La preuve, ça fait déjà quelques jours que je l’ai subtilisée et elle n’a rien remarqué.
Les filles jacassaient en sirotant le pinard volé. Catherine racontait les ragots de l’école à Marie qui était bien contente d’avoir une amie qui avait accès aux rumeurs scolaires. Elles riaient en se moquant des autres élèves. et puis, une bonne heure plus tard, on vint frapper à la porte.
Catherine camoufla rapidement la bouteille de vin avant que sa mère n'ouvre la porte de sa chambre.
Éric rentre chez lui et moi je vais me coucher. Je voulais juste vous souhaiter bonne nuit. Pour le piano Marie, on vera ça demain matin d'accord? Là, je suis lessivée.
Oui mada… Jacinthe. Bonne nuit!
Bonne nuit maman.
Une fois la porte refermée, Catherine émit un long soupir de soulagement et reprit son bavardage là où elle l'avait laissé. Puis au fil des conversations et l’alcool aidant, elle finit par se sentir d’humeur confidente.
J’ai tellement hâte d’avoir un chum tu sais! Et pas un petit morveux comme ceux à l’école là. Je veux un homme, un vrai. Un homme viril qui me prendra sauvagement, qui ne me demandera pas ma permission et qui me baisera si fort que j’en aurai mal…
Marie l’écoutait parler et plus les mots s’échappaient de sa bouche et plus elle se sentait mal. Ce que son amie disait lui donnait la nausée et elle sentait une boule de rage monter en elle sans qu’elle puisse la contrôler. Mais Catherine ne voyait rien et elle continuait à décrire son désir de soumission avec force et détails jusqu’à ce que Marie explose enfin.
Tu ne sais pas ce que tu dit espèce d’idiote! cria Marie les yeux plissés par la colère.
Elle avait les yeux pleins d’eau et elle sentait la colère qui bouillait au creux de son ventre.
Maïs qu’est-ce qui te prends? Ça va pas? J’ai bien le droit de raconter mes fantasmes?
Tu n’as aucune idée de… de… tu ne sais rien c’est tout!
Prise par un accès de rage inexplicable, Marie saisit son sac et sortit de l’appartement à toute vitesse. Elle dévala les escaliers et avant qu’elle ne réalise qu’elle était en train de faire une bêtise, elle se retrouva sur le trottoir, en pleine nuit avec nulle part où aller. Elle marcha de long en large devant le bloc appartement afin de faire descendre le sang qu’elle sentait monter à ses oreilles. Elle espérait qu’une fois le calme revenu dans son esprit, elle y verrait plus clair et, ainsi, elle trouverait une solution.
Voyons Marie, calme-toi. Pourquoi t’es tu mise dans un état pareil? Se disait-elle silencieusement. Bon réfléchis… Je ne peux pas retourner chez Catherine sans réveiller sa mère avec le bruit de la sonnette. Je ne peux pas rentrer à la maison à cette heure… Merde! Mais qu'est-ce que j'ai fait encore?
Désemparée, elle s’assit dans les marchés d’un immeuble et se prit la tête entre les mains. Les larmes lui montaient aux yeux et au moment où elle allait éclater en sanglots, elle entendit une voix familière.
Marie? C’est toi? Mais que fais-tu dehors à cette heure? Pourquoi n’es-tu plus chez Jacinthe?
Marie leva la tête et reconnut l’homme en rose.
Je suis partie… j’étais fâchée et je suis partie.
Ce n’est pas très prudent de ta part. Qu’est-ce que tu vas faire maintenant? Tu vas rentrer chez toi?
Non… Ma mère sera vraiment en colère et elle ne me permettra plus jamais de dormir chez une amie.
Je vois. Alors quoi?
Je ne sais pas, répondit- elle en sanglotant légèrement.
J’habite juste en face, tu veux venir chez moi?
Marie hésita quelques secondes, mais devant l’absence d’alternative, elle accepta.
L’appartement d’Eric se trouvait au sous-sol de l’édifice situé presque en face de celui de son amie.
J’aurais préféré être au rez-de-chaussée ou même sur les étages supérieurs, ça aurait été beaucoup mieux pour mes clients mais c’est beaucoup trop cher. Ceci dit, tu verras, c’est quand même pas mal. Lui dit-t-il comme pour s’excuser de la faire descendre au sous-sol.
En ouvrant la porte, Marie se retrouva dans un petit corridor.
Alors voilà, ici c’est la salle de bain, dit-il en poussant la porte à sa droite. Et en face c’est ma chambre, continua-t-il en pointant la porte de l’autre côté.
Au bout du couloir se trouvait une grande pièce qui servait de cuisine, de salle à manger et de salon.
Tiens, assieds-toi là si tu veux, proposa Éric en lui indiquant le canapé.
Ok
Tu veux boire quelque chose?
Je ne sais pas, non. Non ça va merci.
Tu as l’air frigorifiée. Tu as eu froid? Ça faisait longtemps que tu étais dehors?
Je ne sais pas.
Je vais te faire une tisane, ça te fera du bien. Dis-moi ce qui s’est passé pendant ce temps-là.
Elle commença donc à raconter sa conversation avec Catherine en évitant bien de mentionner qu’elles avaient bu toutes les deux. Elle ne voulait pas que son amie ait des ennuis. Mais au moment de répéter les paroles qui avaient été dites, les mots s’étranglèrent dans sa gorge et refusèrent d’en sortir. Marie essayait pourtant d’expliquer ce qui l’avait mise en colère mais elle n’y arrivait pas. Et, soudain, les mots ne trouvant pas leur chemin, les larmes et les sanglots secouèrent son corps en entier. Elle essayait de reprendre le contrôle mais elle n’y arrivait pas. Elle pleurait sans pouvoir s’arrêter.
Éric vint s’asseoir à ses côtés et la prit contre lui.
Vas-y pleure, ça va te faire du bien. Laisse-toi aller.
Elle se sentait en sécurité dans ses bras.Elle ne se sentait pas juger, elle sentait qu’elle avait le droit d’avoir mal, le droit d’en parler ou non. Elle se laissa donc aller à sa souffrance et ce, même si elle était incapable de la nommer. Éric la tenait contre lui, il lui caressait le dos sans poser de question, attendant simplement que la marée de chagrin se retire.
Ça va mieux? demanda-t-il alors qu’il sentait qu’elle se calmait.
Oui… un peu hoqueta Marie qui essayait de se reprendre. J’ai mal à la tête.
Oui ça arrive quand on pleure autant. Es-tu prête à parler de ce qui ne va pas maintenant?
Marie secoua la tête négativement tout en reprenant un mouchoir.
D’accord. Alors je crois que je sais ce qui te ferait du bien. Mais avant je vais me rouler un joint.
Éric sortit une petite boîte de la table du salon.
Est-ce tu en as déjà pris? demanda-t’il.
Marie n’en avait jamais pris mais elle fit oui de la tête.
Il est peut-être plus fort que ce que tu as déjà goûter et, surtout si tu n’as pas trop l’habitude, n’en prend pas trop. Le but c’est d’être relax, pas d’être complètement givré.
Il tendit le joint à Marie qui s’étouffa sur la première touche.
Ça va? Demanda Éric.
Oui oui! Répondit- elle les yeux plein d’eau.
Elle prit une deuxième touche qui passa mieux. Elle redonna le joint à Éric et refusa d’en reprendre, la fumée lui donnait la nausée.
Éric rangea la boîte puis se dirigea vers le mur de droite qui longeait la table de la salle à manger. D’un geste de la main il fit glisser le panneau qui servait de mur et dévoila ainsi une petite alcôve aux couleurs chaudes et accueillantes. Sur le mur du fond, de nombreuses tablettes avaient été installées pour y déposer plusieurs petites bouteilles d’huiles essentielles, des livres, des bougeoirs et quelques brûleurs d’encens. Au centre se trouvait une table à massage.
Il se tourna vers Marie et lui proposa de la masser.
Je ne ferai rien que tu n’auras pas permis. Je te le promets. Sens-toi à l’aise. Mais je crois que ça te ferait du bien.
Marie acquiesça d’un hochement de tête et alla le rejoindre.
je n’ai pas de robe de chambre à te prêter mais je vais te donner des serviettes pour te couvrir. Je vais fermer la porte pendant que tu te déshabille.
J’enlève juste le haut?
Enlève ce que tu veux. Fais ce qui te rend à l’aise. Quand tu seras prête, tu n’auras qu’à te coucher sur la table. Si tu veux bien, tu te mettras sur le dos car j'aimerais commencer par le crâne puisque tu as mal à la tête.
D'accord.
Il mit quelques serviettes sur la table, recula de quelques pas puis fit glisser le mur afin de lui laisser son intimité. Marie commença à se dévêtir, elle accrocha ses vêtements sur le crochet et ne garda que sa petite culotte. Elle monta sur la table et s’installa sur le dos tel que convenu. Elle hésita un moment puis se releva, ôta son slip qu’elle mit dans la poche de son jeans et se remit en position, les serviettes placées stratégiquement afin de cacher son corps.
Au bout de quelques minutes Éric lui demanda si elle était prête et après avoir eu une réponse affirmative, vint la rejoindre.
Il choisit une huile sur la tablette, la senti puis la donna à Marie.
Est-ce que tu aimes celle-là?
Non, pas trop.
Ok, aucun problème.
Il leur fallut quelques autres fioles avant de trouver un essence qui leur convenait à tous les deux, l’huile d’eucalyptus citronné.
Bon, avant que je commence, je veux que ce soit très clair pour toi. Je ne te toucherai pas à des endroits où tu ne veux pas être touchée. Et pour être certain que tu sois à l’aise et que ce soit clair, tu n’auras qu’à lever la main et je comprendrai. Est-ce que ça te va?
Oui.
Le massage commença. Il massa son corps en entier, de la tête jusqu’aux pieds, en avant et en arrière. Ces gestes étaient doux et fermes à la fois, ils étaient thérapeutiques par endroit et par d’autres, ils étaient plus sensuels. Marie se sentait bien et libre. Les mains qui touchaient son corps auraient pu appartenir à n’importe qui elle s’en foutait. Elle se concentrait uniquement sur ce qu’elle ressentait, sur les sensations qui s’éveillaient en elle. Elle se laissait explorer sans pudeur et sans retenue.
Elle n’utilisa jamais le code qu’ils s’étaient donné. Elle n’en eut aucun besoin.
Une fois le massage terminé, Éric donna le temps à Marie de reprendre ses esprits et se retira en refermant derrière lui. Elle prit quelques minutes. Puis, sans savoir pourquoi, elle se remit à pleurer. Au début, il n’y avait que quelques larmes qui coulaient doucement et puis il y en eut d’autres et puis encore plus. Elles ne semblaient vouloir s’arrêter et pourtant, Marie se sentait bien! Elle ne se sentait pas triste ou blessée.
Elle se leva et s’habilla. Toujours en pleurant à chaudes larmes et alla rejoindre Eric qui était assis sur le canapé.
Ça ne va pas? demanda t il.
Oui! Ça va! Je ne sais pas pourquoi je pleure comme ça…
Ça arrive parfois après un massage profond.
Il regarda Marie qui prenait de grandes et longues respirations afin de calmer le flot qui se déversait sur ses joues.
Dis-moi ce qui te ferait du bien. Lui dit-il après un moment. Le soleil se lève déjà mais peut-être aimerais-tu dormir un peu? Veux-tu une tisane?
J’aimerais bien prendre un bain. Je vais bientôt pouvoir rentrer et je crois que ma mère trouvera cette odeur d’eucalyptus un peu bizarre. Répondit-elle avec le sourire, essuyant les dernières larmes du coin de ses yeux.
Qu’à cela ne tienne! Dit-il en se levant d’un bond. Et un bain pour Marie!
Elle prit un long bain chaud. Elle était détendue. Elle revivait les moments de cette nuit improbable, un léger sourire en coin.
Personne ne pouvait ni ne devait se douter de ce qui venait d’arriver, personne ne pouvait comprendre. Elle savait bien que si quelqu’un venait à l'apprendre, Eric aurait de terribles ennuis. Personne ne voudrait croire ou accepter qu’elle avait consenti à ça et pourtant, c’était bien le cas. Elle savait qu’à n’importe quel moment elle pouvait tout arrêter, que d’un seul mouvement, elle pouvait dire stop. Mais elle l’avait laissé aller, elle l’avait laissé la toucher jusqu'à sentir monter un étrange plaisir en elle. C’était bon, c’était doux comme du miel.
Ça peut donc être comme ça? se dit-elle.
Quand l’eau de la baignoire commença à être un peu trop froide, elle termina de se laver et sortit du bain. Elle mit les vêtements propres qui étaient dans son sac et retrouva Éric qui s’était assoupi sur le divan. Elle regarda l’heure, il était 8:10. Elle prit un bout de papier qui traînait sur la table et un crayon.
Merci pour tout! M
Et elle partit sur la pointe des pieds.
Une fois dehors, elle respira à plein poumons et, à chaque bouffée d’air frais, elle se sentait un peu plus légère et un peu plus sereine. Elle ne s’était pas senti aussi bien depuis des mois. Et même si elle savait que ce qui s’était passé cette nuit-là était mal aux yeux des autres, elle, elle ne le sentait pas ainsi.
En chemin, elle s’arrêta au parc et s’assit devant le plan d’eau. Celui-là même où, quelques années auparavant, elle se voyait forcée de plonger. Elle n’était plus cette fille-là, elle ne le serait plus jamais désormais, se promit-elle.
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